Traduction ©2001 Alliance Francophone - Tous droits réservés - Reproduction interdite
De Ken Brown.
Traduction libre par David d'un article publié sur Computer Gaming Word.
Extraits.
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Il est plus d'une heure d'une matin, mais les deux douzaines d'employés (ndt : d'Ensemble Studios) de Dallas sont tous vaillants et aucun n'a l'intention de quitter les lieux. La moitié d'entre eux fait face à des moniteurs de 21 pouces et est en train de jouer à ce qui sera le successeur d'Age of Empire 2. Le reste est rassemblé juste derrière, suivant l'action retransmise sur d'autres moniteurs regroupés plus loin.
Une troupe de fantassins et de créatures des bois mythologiques traverse un écran pour atteindre la bataille. Au plus fort du combat, une immense boule de feu descend du ciel et les éparpille en morceaux - KA-BOOM ! L'écran devient d'un blanc éblouissant, reflétant la force du phénomène. Les spectateurs huent et partent, excités, en remarques diverses, pendant que le joueur qui en est la victime enlève les mains qui cachaient ses yeux pour découvrir ce qui reste : un cratère géant qui fume encore et un unique fantassin survivant.
Une dure nuit de travail de plus ! Pour les 65 employés d'Ensemble Studios, créateurs de la série Age of Empires, le travail et le jeu sont si intimement liés que les deux sont devenus pratiquement synonymes. Leur travail est de faire des jeux, et, pour Ensemble, jouer au moins une fois par semaine est une obligation à laquelle tout le monde doit se plier, le chef du personnel compris. L'équipe de concepteurs compte déjà plus de 600 H de jeu sur Age of Mythology et il nécessitera encore un an pour être mis au point. Si vous êtes déjà acquéreur d'un exemplaire de Age of Empires, Rise of Rome, Age of Kings ou The Conquerors parmi les 8,5 millions vendus et que vous vous posez la question de savoir comment ces types arrivent à équilibrer aussi bien leurs jeux, je peux vous répondre : ils les ont tous testés à fond.
C'est pour cela qu'ils sont là ce soir, car les parties leur permettent de mieux savoir ce qui fonctionne ou pas, les réactions des observateurs étant prises en compte dans cette évaluation. Du travail soigné.
Quelle est cette extravagance sur laquelle ils sont actuellement en train de travailler, et en quoi ce jeu sera-t-il différent de AoK ? Tout cela sera révélé, mais commençons par un petit retour en arrière, à une époque déjà à moitié oubliée, il y a très, très longtemps...
Nous sommes en 1997. Le premier Age of Empires est fini depuis deux semaines et demi et Ensemble commence à travailler sur une première version de Age Of Mythology. L'équipe a commencé le travail si tôt car le but est différent de ceux de AoK : le jeu doit être aussi beau que ce que commence alors à être AoK, sauf qu'il sera en 3D.
"Nous avons eu alors une série de réunions difficiles" raconte Bruce Shelley, cofondateur d'Ensemble qui a co-designé Age of Empires. "Nous étions plongés dans de longues discussions sur le type de jeu de stratégie en temps réel que nous aimerions faire. Le champ des possibles était grand : SF, seconde guerre mondiale, super héros, cowboys, fantaisie ou retour à Age 1."
"Notre principal objectif était de créer un jeu qui serait joué différemment. Nous avons fait un bon travail sur Age 2, mais beaucoup nous ont fait remarqué qu'il n'était pas fondamentalement différent du précédent. Nous étions préoccupés non seulement par le fait que les joueurs voulaient quelque chose d'innovant mais que nos concepteurs, aussi, désiraient une nouvelle expérience."
Le premier prototype sérieux se basait sur la civilisation disparue de l'Atlantide. Ensemble le rejeta, trois autres subissant ensuite le même sort, et finit par se fixer sur le concept d'affrontements incluant des créatures mythologiques et des dieux.
"Parmi les arguments qui nous ont fait opter pour la mythologie, il y a eu les bons trucs que nous pourrions mettre dans le jeu et auxquels nous ne nous étions pas frottés jusque là," dit Shelley. "Tout spécialement les nouveaux types de créatures, chacune unique et se jouant différemment. Nous savions aussi que les héros et les pouvoirs des dieux introduiraient de nouveaux éléments de surprise."
Le sujet touchait aussi l'équipe de développement, à un niveau profond, en étendant la traditionnelle attention qu'à toujours porté Ensemble à l'histoire aux fondements de celle-ci. Shelley le résume simplement :"Ce en quoi les peuples ont cru il y a longtemps fait encore partie de l'expérience humaine".
A la base, Age of Mythology conserve les principaux éléments d'Age of Empire. Vous devrez récolter des ressources, bâtir une ville, vous armer, et combattre vos voisins. Cette fois vous progresserez à travers trois âges au lieu de quatre, et améliorerez vos technologies de manière différente, mais les principes de base n'ont pas changé. Même les conditions de victoire sont quasiment inchangées.
Ce qui change est la variété des unités. Aux classiques archers et cavaliers s'ajoutent désormais les créatures mythologiques comme les chimères, les hydres, les trolls, les griffons (unités aériennes) et les géants. Il y aura aussi des héros - unités humaines spéciales avec des bonus en armure ou en attaque. Les héros sont nécessaires pour la communication avec les dieux ainsi que pour diriger les attaques de ces derniers. Et, enfin, il y a les dieux, créatures ultimes apportant le feu et les pluies de pierre.
En mode multijoueurs et sur les jeux de types "carte aléatoire", il n'est pas actuellement prévu que vous les rencontriez. Vous devrez leur consacrer un temple et essayer d'obtenir leur faveur, mais "il n'y aura pas de Zeus-coûtant-500 qui viendra se promener et écrasera les maisons," explique Ian Fischer (lead designer). "Certains pensaient que nous aurions du le faire, mais cela ne nous a finalement pas semblé bon. Pas pour des raisons de réalisme, car après tout on rencontrera bien des minotaures et des centaures, mais cela ne nous semblait pas bon de mettre les dieux sur le même plan que les autres unités. Et nous ne voulions pas avoir des archers tirant dans les genous de Zeus ou des choses du genre."
Les nouvelles unités changent complètement la dynamique du jeu. Alors qu'il était possible de prévoir l'issue d'affrontements opposant deux armées basées sur des unités historiques, vous vous retrouvez soudain à vous demander ce qu'un géant du froid ou un phœnix est capable de faire. Et à peine avez-vous la réponse à votre question que quelqu'un vous attaque avec un météore.
D'aussi puissantes attaques peuvent facilement déséquilibrer un jeu. Ensemble résout ce problème de différentes manières, dont la limitation du nombre de créatures mythologiques dont chaque joueur peut disposer et d'attaques divines. Une nouvelle ressource, la faveur, est nécessaire pour produire des créatures mythologiques ou invoquer le pouvoir des dieux. Elle s'accumule lentement, mais chaque culture peut obtenir des bonus en faisant plaisir aux dieux.
Fischer explique que le but de l'équipe de développement est d'obtenir un robuste équilibre. "Nous faisons notre maximum pour être sûr qu'ils [les pouvoirs des dieux] ne seront pas des bombes atomiques, que vous n'envoyez pas vos troupes à la bataille et que soudainement - BOOM - il n'en reste plus rien. Les pouvoirs des dieux sont puissants et tout le monde est excité à l'idée de les utiliser, mais nous faisons en sorte d'être sûr qu'ils sont des évènements exceptionnels. Vous pouvez les utiliser une demi-douzaine de fois pendant une partie ; vous ne les utilisez pas toutes les deux ou trois minutes. Lorsqu'un joueur invoque le pouvoir d'un dieu, c'est un moment crucial du jeu. Vous savez qu'il est en train de le faire et au meilleur endroit possible, aussi devez vous essayer de disperser vos unités et de l'en empêcher en tuant son héros, ou bien un météorite viendra écraser vos troupes."
"Cela rend définitivement les combats plus tactiques", dit Pottinger (tech director). "Au lieu de produire des unités mythologiques, vous pouvez économiser votre faveur pour lancer des interventions divines. Mais ce ne sont assurément pas des bombes qui peuvent remporter la guerre. Ils peuvent l'influencer et vous donner un avantage. Mais c'est toujours à vous qu'il revient de finir l'ennemi."
Bien que les concepts de base soient familiers, Age of Mythology aura une structure différente. Vous commencerez avec l'une des trois cultures sans dieu principal : les Grecs, Scandinaves [Ndt : Norse] ou Égyptiens. Durant le premier âge, vous devrez choisir parmi trois divinités ; pour les Scandinaves, par exemple, ces divinités sont Loki, Odin et Thor. Quand vous bâtirez un temple dédié à l'un d'entre eux, vous disposerez des bonus militaires ou technologies. Plus vite ce temple sera construit, plus vite vous aurez ces bonus - mais votre choix sera connu des autres joueurs, et ils pourront choisir parmi leurs divinités celle la plus à même d'exploiter vos faiblesses.
"Ce choix sera très important", dit Fischer. "Si vous explorez la carte et trouvez une grande quantité d'eau, et que vous êtes Grec, vous pouvez-vous dire 'Poseïdon procure beaucoup d'avantages maritimes, je vais le choisir'. Ou bien, si vous recevez le message indiquant que votre adversaire a opté pour Loki, et comme vous savez que Loki procure de bons archers, vous pouvez vous dire, 'Bon, Zeus me donne un bonus à mes cavaliers, et je sais que les cavaliers sont bons contre les archers, alors je prend Zeus'. Nous avons essayé de faire de ce choix, et du moment de ce choix, quelque chose d'intéressant et d'important".
L'allure sera différente elle aussi, car il y aura des avantages à rester à chaque âge. Vous n'avez qu'à construire un unique temple pour avancer à l'âge suivant, mais construire plus de temples vous procurera plus de bonus mythologiques. "Vous pouvez construire le plus petit, le moins coûteux, le plus rapide des temples, et foncer à travers les âges, mais celui qui choisira de rester à un âge et qui y construira tous les temples aura l'avantage," dit Fischer.
Ensemble a découvert qu'avec plus de choix disponibles plus tôt, le nombre de stratégies se multipliait. Comme dit Pottinger, "C'est vraiment différent de la façon dont nous jouions à Age 2, où chacun se développait jusqu'au 3 ou 4è age et attaquait avec 80 chevaliers pleinement améliorés ou des choses du genre. Nous voyons à Age of Mythology des combats intéressants impliquant des adversaires dont certains sont au premier âge, d'autres au second, d'autres au troisième. Cela augmente les possibilités et l'action est plus rapide."
Pour compléter ces puissantes possibilités précoces, le jeu se jouera aussi plus vite. Alors qu'à AoK les parties pouvaient durer jusqu'à 2 h, celles d'AoM sont finies en moins d'une heure. Greg Street (co-designer), qui a designé l'extension Conquerors, explique, "Nous avons laissé une option aux joueurs qu'ils peuvent choisir s'ils veulent une longue partie, mais elle ne sera pas activée par défaut. Nous avons tiré beaucoup de leçons d'AoK où l'ordinateur se battait jusqu'à la dernière unité même quand le joueur avait de toute évidence gagné. Vous deviez laborieusement détruire chaque bâtiment ennemi. Nous essayons de faire en sorte que l'amusement soit plus immédiat et qu'une fois que la partie est clairement gagnée, le jeu s'arrête."
Une des façons d'y arriver a été d'introduire à la fois des terrains plus fertiles que d'autres et le concept de territoire contrôlé. Plus vous possédez de terrains fertiles et plus vous disposez de nourriture. De la même manière, plus vous contrôlez de territoire et plus vous pouvez avoir de population. Mais cela signifie aussi que vous avez un plus grand territoire à défendre, ce qui vous rend vulnérable.
Fischer explique : "si j'investis votre ville, je vous prend aussi vos terrains fertiles, ce qui me permet de produire plus d'unités. Je deviens ainsi de plus en plus puissant, et il vous sera alors difficile d'inverser la situation. Ainsi le jeu en est d'autant plus accéléré." Cela signifie aussi qu'il sera désormais impossible de réfugier ces dernières unités dans un transporteur et de les dissimuler dans un coin de la carte.
Une des grosses surprises d'Age of Mythology est qu'il n'y aura qu'une seule campagne à jouer en solo [...]. Elle comportera une quarantaine de scénarios pour une durée de jeu d'environ 50 h. Ils seront reliés entre eux par une histoire qui transportera les joueurs à travers les trois cultures et ils assiteront à des évènements qui ne se produiront jamais en "carte aléatoire" ou dans les parties multijoueurs.
"Notre objectif pour la campagne solo était que nous voulions réellement raconter une histoire aux personnes qui la joueraient," explique Street, qui est responsable de l'élaboration de la campagne. "Nous voulons leur faire rencontrer des personnages récurrents, recruter des suivants et des compagnons qui tomberont plus tard dans la bataille, pour utiliser certains ressorts de la tragédie. Une intrigue, des trahisons, une fin surprenante - toute cette sorte de choses."
De belles voix et des scènes cinématiques seront de la partie [...].
"L'environnement est tout simplement magnifique. Pour la campagne nous pouvons créer des cités égyptiennes au milieu de delta, créer des glaciers et des avalanches dans les montagnes scandinaves. Les joueurs vont vraiment aimer ces décors."
Et ainsi continua la nuit, chacun venant me parler qui du jeu multijoueur et des momies (?), qui d'un nouveau type de jeu qu'ils comptaient inclure, qui de l'éditeur de scénario, qui de toutes les choses que la plupart des autres éditeurs de jeu laissent de côté pour les incorporer dans des extensions. Et tandis que j'étais assis, les yeux dans le vague, à les écouter parler des améliorations de l'intelligence artificielle et du suivi du jeu en ligne, les mots de Bruce Shelley me revinrent à l'esprit : les dieux participent encore de l'existence humaine. Et ils vous aident à rester éveillé bien après minuit.